L’histoire

L'histoire de Sébastien

Sébastien est né le jour de l’été, le 21 juin 2010. Il a grandi comme tous les autres garçons jusqu’à l’âge de 3 ans et demi, où l’on a découvert une boule près de son oreille droite. Une grosseur sous la peau, comme un grand ganglion, qui s’étendait depuis la tempe droite jusque dans le cou. C’est à ce moment-là qu’un stress glacial, immense et viscéral nous a envahi. Il ne nous a plus quitté.

Ensuite vient l’attente. L’attente de trouver le bon diagnostic. Les jours passent ; la vie continue pour les autres alors que pour nous le temps s’est arrêté… On passe d’examens en examens, d’hypothèse en hypothèse. On est emporté par une spirale infernale qui nous amène vers des maladies de plus en graves, de moins en moins connues. Mais où va-t-on s’arrêter ? Sébastien est un petit garçon si pétillant, si intelligent. Ce n’est pas possible !

Au fil des anesthésies, de scanner en PETScan, après de multiples prises de sang et une ponction lombaire… Ca y est, le verdict tombe. Il s’agit d’un sarcome granulocytaire, une forme localisée et rare de leucémie myéloïde aigüe (LMA).

Le sarcome granulocytaire

La LMA n’est pas la léucémie que tout le monde connait et qui se soigne bien. C’est l’autre. Plus rare, elle présente, par conséquent, un moins bon pronostic. On apprendra bien plus tard, en 2016, qu’il s’agissait en fait d’une leucémie orpheline. Elle ressemblait à la LMA mais présentait également plusieurs particularités qui, encore à l’heure actuelle, ne sont pas comprises par les médecins.

C’est difficile d’annoncer à son petit garçon de 3 ans et demi qu’il a une leucémie et qu’il va falloir subir de la chimiothérapie, dormir à l’hopital, y passer plusieurs semaines. Et espérer gagner. Heureusement que les médecins et les psychologues du service d’hématologie-pédiatrique des Cliniques Universitaires St-Luc ont été super. Elles ont eu les bons mots, l’intelligence et la compréhension nécessaire.

Sébastien lui a directement dit qu’il allait gagner, qu’il allait battre ces “méchants globules blancs”. Pour lui, il n’y avait pas d’autre option. Quelle force de caractère !

Notre vie s’est donc organisée autour de Sébastien et de ses hospitalisations. Après un mois de cure de chimiothérapie, Sébastien a pu rentrer à la maison, revoir son petit frère, dormir dans sa chambre avec de jolis draps, retrouver ses jeux. On profite de ces quelques jours comme s’ils en valaient cent. Chaque instant devient magique – pourvu qu’on soit ensemble. On se serre fort tous les 4 parce qu’on sait qu’on sera bientôt séparés.

Puis la cure suivante arrive et c’est reparti pour un tour : le temps que le taux de globules blancs diminue, reste à zéro pendant cette fameuse période d’isolement où l’immunité de Sébastien est tellement faible que la moindre petite bactérie anodine devient mortelle. Et puis le taux remonte. Tout doucement. Et quand le taux de globules blancs dépasse un certain seuil, c’est la victoire : On peut rentrer à la maison ! Cette photo a d’ailleurs été prise après la 1ère cure de chimio “Tu vois, maman, j’ai gagné”.

Après 5 cures de chimiothérapie, le protocole de traitement est terminé. Sébastien peut enfin rentrer à la maison “définitivement”. Les ponctions de moëlle épinière et de moëlle osseuse sont propres. Il n’y a pour l’instant plus de “méchants globules blancs”. C’est le corps fatigué mais le coeur un peu plus léger qu’on reprend notre vie de famille. On ose à peine respirer. Et si les blastes revenaient ? Et si la chimio ne suffisait pas à les contrer ? Et s’il y avait une rechute ? Et si…et si… On vit avec une épée de Damoclèse au dessus de la tête de notre enfant. On a perdu l’insouciance que bien des parents ont encore la chance de ressentir. On sait que la vie ne tient qu’à un fil. On le sait, on vient de le vivre. On gardera cette incertitude pour toujours. Mais c’est comme ça. On n’a pas le choix. Sébastien non plus n’a rien choisi. Et pourtant il reste le petit garçon pétillant, espiègle, intelligent et rieur d’autrefois. Cette épreuve n’a pas entaché sa joie de vivre. Alors on décide de faire comme lui. On ose rire. On ose pleurer. On ose rêver. Et on profite de chaque instant, encore et toujours.

Pendant plusieurs mois, l’immunité de Sébastien est encore trop faible et immature. Il ne peut pas avoir de contact avec d’autres enfants, à part son frère pour lequel on est hyper vigilant. Les visites à l’hopital de jour se succèdent de semaines en semaines. Les prises de sang restent bonnes. Une douleur dans la jambe gauche apparait néanmoins mais les examens ne dévoilent rien. On décide toutefois de se marier comme c’était prévu, de partir en vacances – un long voyage en Martinique qui sera le plus beau de la vie de Sébastien – d’acheter une maison et de se lancer dans le projet d’un troisième enfant.

Mais malheureusement, 2 mois plus tard, en février 2015, c’est à nouveau la giffle, ce stress glacial qui parcourt notre échine, cette chute vertigineuse… J’ai l’impression qu’on m’a mis un sac de plomb sur le dos. C’est la rechute. Notre vie s’arrête à nouveau. Et dire qu’on venait de réapprendre à vivre “normalement”. Sébastien avait repris l’école ; Arthur venait d’entrer en maternelles ; j’avais recommencé à travailler…

La rechute

Les rechutes sont assez fréquentes dans ce type de cancer, nous dit-on. Néanmoins, le pronostic diminue. Sébastien avait environ 60% de chances de s’en sortir en 2014; il n’en a plus que 40 environ à présent. Mais 40% c’est encore beaucoup. Même si on imagine l’asymptote descendre encore et encore vers une fin tragique, on ne peut pas se résoudre à arrêter les traitements. Et si Sébastien avait une petite chance de s’en sortir ? Et s’il pouvait vivre de belles années après tout ça et grandir comme les autres enfants ? L’espérance fait vivre, n’est-ce-pas ? Et puis, surtout, il faut pouvoir se regarder tous les jours dans le miroir en se disant qu’on n’a pas tout fait pour sauver son enfant. Alors bien-sûr qu’on ne veut pas s’acharner, qu’on n’a pas envie de détruire sa qualité de vie. Mais Sébastien avait très bien toléré les cures de chimio précédentes, il n’avait eu que très peu d’effets secondaires et il avait retrouvé sa force musculaire en à peine quelques semaines. Alors on a choisi de retenter notre chance.

Les cures de chimio, les hospitalisations, l’isolement,… On avait presque oublié tout ça. Le plus dur est de le laisser dormir tout seul dans sa chambre. J’ai l’impression de l’abandonner quand je le quitte le soir. Je revois très bien son regard implorant et en colère au moment du dernier bisous. Je vais rentrer à la maison, jouer et me détendre avec avec Arthur, manger un bon repas préparé par nos amis, m’asseoir sur le canapé et reprendre des forces pour le lendemain. Et lui… Lui il dort tout seul dans cette chambre froide et sans charme ; un peu décorée tout de même par les dessins des amis de l’école, par les cartes postales qu’on désinfectait avant de les faire entrer dans la chambre, et par les nombreux bricolages qu’on faisait pour s’occuper la journée. Mais il dort tout seul quand même et il n’a que 4 ans…

Pour seule compagnie, il a son doudou. Éternel et vaillant compagnon qui a résisté aux nombreux nettoyages… Et puis heureusement que les infirmières sont là. Juste derrière la porte. Elles accourent dès que Sébastien sonne : pour un verre d’eau, un dessin animé, un lange trop rempli ou simplement un câlin. De véritables fées pour toute la famille. Ce sont elles qui étaient présentes, jour et nuit, à nos côtés. Elles qui nous ont prises dans leurs bras pour que l’on puisse pleurer. Elles qui nous ont aidés à éduquer notre enfant malgré ces conditions spéciales. Elles qui riaient de bon cœur aux farces de Sébastien et qui venaient apporter une glace à leur petit patient parce qu’il ne savait avaler plus que ça. On ne les remerciera jamais assez pour tout ce qu’elles ont fait.

La greffe

En avril 2015, les médecins décident de faire une greffe de moëlle osseuse. Sébastien doit changer de service et entrer dans l’unité aseptique qui accueille les patients pour la greffe. On lui administre une chimiothérapie plus forte encore que les autres, qui détruit les globules blancs jusque dans leurs racines pour qu’il n’en reste rien. On introduit alors la moëlle du donneur et on espère qu’elle prenne. Le donneur, c’est son papa, Diego. Il est compatible à 100%. Quel magnifique geste de donner des cellules souches pour espérer soigner et guérir son fils. Ce serait si beau que cela puisse fonctionner ! Mais on recommence à se poser mille questions. Et si la compatibilité était trop parfaite ? Et si les cellules de Diego ne faisaient pas le poids face aux cellules cancéreuses de Sébastien ? Et si cela ne fonctionnait pas ? Nous n’avons malheureusement aucune prise là-dessus. On ne peut que faire confiance aux médecins.

On continue alors de vivre au jour le jour. On suit de près les résultats des prises de sang. Au quotidien, on se relaye à 4 auprès de Sébastien dans une toute petite chambre. Il y a le lit, une petite table et tout juste assez de place pour passer à côté. Un sas permet aux visiteurs de voir et parler avec Sébastien. On construit des Lego®, on joue à la Wii®. Sébastien devient même le champion de MarioCart® 😉 Son frère Arthur vient lui rendre visite régulièrement.

L’hospitalisation dans ce service est encore plus difficile à vivre que les autres car Sébastien est en perpétuel danger de mort. La moindre petite bactérie insignifiante pour nous peut le tuer. On doit se laver les bras comme les chirurgiens avant d’entrer, porter une tenue et des chaussures spécifiques, laver les vêtements de Sébastien à 60°, les repasser et les mettre dans des petits sacs individuels. Même son doudou n’a pas le droit d’entrer : Trop de bactéries dessus. Mais ça c’est impossible : « Je veux bien être courageux, maman, mais sans Doudou je n’y arrive pas ». Là, mon coeur de maman s’est brisé. Alors j’ai été voir les médecins et j’ai argumenté, en pleurs. Et elles ont dit « d’accord ». Encore une belle preuve d’humanité de leur part. Ouf! Le doudou avait le droit de rester 36h dans la chambre et puis je le reprenais pour le laver, le mettre au séchoir puis au congélateur toute la nuit pour tuer toutes les bactéries, et enfin le ramener auprès de Sébastien, encore tout froid. Le moral de Sébastien est remonté – le nôtre aussi.

Après 6 semaines de combat acharné pour tous, Sébastien peut enfin rentrer à la maison. Les mesures d’hygiène sont encore plus strictes qu’avant. Le suivi dans le service d’hémato-pédiatrie est très fréquent et heureusement car on a besoin de ce contact régulier avec les médecins. On réapprend à vivre tout doucement. L’été arrive et avec lui les beaux jours. On organise le déménagement dans la nouvelle maison et on découvre le jardin. Une petite sœur est prévue en novembre. Tout le monde est heureux.

Seul petit coin d’ombre à ce tableau : la douleur à la jambe revient de temps en temps. Pourtant, les examens ne montrent rien : les prises de sang sont bonnes et la moëlle reste propre. Le stress glacial revient ; ce sac de plomb sur les épaules, ce nuage gris qui nous suit partout. Et s’il y avait une rechute ? Non, ce n’est pas possible. Pas déjà ? La greffe date d’il y a 3 mois à peine… Comment vit-on avec ce stress ? Sébastien va bien, il est affaibli mais heureux de vivre. Il joue avec son frère, se réjouit de l’arrivée de sa soeur, pétille de vie. Pourquoi lui ? Pourquoi encore ? Il a déjà donné, non ? Ne peut-il pas avoir une vie normale à présent ? Il n’a que 5 ans…

La seconde rechute

C’est en décembre 2015, deux semaines à peine après la naissance d’Émeline, que la seconde rechute est annoncée. Un grand écart émotionnel entre une nouvelle vie qui démarre d’un côté et une qui s’effrite de l’autre. Les chances de guérison sont moindres évidemment. On ne nous parle plus que de 10% à présent. Que faire ? Les médecins nous présentent les options : administrer de la chimiothérapie (encore) avec peu de chances de réussite et des risques cardiaques importants comme pour toutes les chimio, ou passer en soins palliatifs, arrêter de se battre, assurer un confort et accompagner.

Quel choix difficile! Quelle horreur ! On nous demande de choisir entre la peste et le choléra. Personne ne peut se mettre à notre place évidemment. Pas même les médecins. Nos proches et le corps médical nous disent qu’ils nous suivront quoi qu’on choisisse. Mais face à ce dilemme, nous sommes seuls.

Diego a envie de se battre. Il en a la force. Il préfère tout essayer, tout tenter, pour pouvoir vivre sans regrets. Sébastien est en forme, il a relativement bien supporté toutes ses chimios. Il pourrait bien tolérer les suivantes. Moi, je n’ai plus beaucoup de forces et j’ai peur de faire souffrir mon fils, de lui infliger tous les effets secondaires que la chimio peut provoquer. J’hésite avec les soins palliatifs. J’y suis parfois confrontée dans mon métier avec des patients en neurologie, et je sais bien que dans certaines situations c’est la seule chose à faire. Mais dans ce cas-ci, il s’agit de mon fils ! Son cerveau n’est pas mort. Outre ces fichus blastes, il va bien. Il joue avec son frère, câline sa petite sœur et rit aux éclats. J’aurais l’impression de le tuer de mes propres mains si je choisissais les soins palliatifs…

Plusieurs jours plus tard, après de longues heures de réflexion et de nombreuses insomnies, nous optons pour la chimio. On abat notre dernière carte. Tapis! On aura tout fait, tout essayé. Évidemment, nous avons convenu avec les médecins de ne pas s’acharner. Nous ne voulons pas que Sébastien souffre ni devienne amorphe. Nous sommes heureusement tous sur la même longueur d’onde.

Notre vie se réorganise encore une fois autour de l’hospitalisation de Sébastien. Cette fois-ci, nous avons obtenu quelques passes-droits de la part des médecins : Arthur peut entrer dans le service pour rendre visite à son frère depuis le petit sas à l’entrée de la chambre (le service est habituellement interdit aux moins de 16 ans). Autre avantage par rapport aux hospitalisations précédentes : nous pouvons dormir avec Sébastien ! Nous nous relayons à 4. Émeline m’accompagne partout vu qu’elle est allaitée. Les infirmières lui ont descendu un petit lit de la maternité. Nous pouvons même faire entrer un babyfoot dans la chambre pour le moral des troupes ainsi qu’une grande bassine pour que Sébastien puisse prendre des bains, jouer dans l’eau et barboter, comme aiment le faire tous les enfants de 5 ans.

Les chimios se succèdent. Sébastien ne présente pas trop d’effets secondaires, heureusement. Il semble presqu’en forme, au grand étonnement des médecins. Petit à petit, on trouve notre équilibre familial entre l’hospitalisation, l’école et le travail de Diego.

Fin mars 2016, Sébastien peut rentrer à la maison. Quel bonheur pour les enfants de pouvoir se retrouver enfin et jouer ensemble. Même Émeline s’en donne à cœur joie. Elle a besoin d’entendre ses frères auprès d’elle. Arthur est tout sourire, tellement heureux de revoir son grand frère, son modèle. On profite tous des petites joies simples comme manger une glace dans le jardin, se promener dans le parc, se déguiser et faire des grimaces, jouer ensemble. On sait qu’à tout moment, tout peut basculer. On l’a déjà vécu.

Nous allons 2-3 fois par semaine à l’hopital de jour pour le suivi. On y passe la journée pour passer les examens classiques. Tous les mois, Sébastien reçoit les lymphocytes de son papa pour essayer de maintenir les effets de la greffe. C’est ce qu’on appelle les DLI (infusion de lymphocytes du donneur). Les gentils globules blancs ainsi injectés sont censés repousser les mauvais.

Les semaines passent. Sébastien poursuit sa scolarité avec Juf Greet qui vient 3 fois par semaine à la maison. Une belle complicité s’installe entre eux. Un subtil mélange d’humour et de fermeté qui permet à Sébastien d’apprendre et de rattraper son retard en néerlandais.

Le seul moment de tension dans notre quotidien est celui des repas. Sébastien met littéralement une heure à avaler 4 minuscules morceaux de jambon. Plus rien ne passe. Il vomit si on le force et cela se termine par des crises de tous côtés. Les médecins nous proposent de placer une sonde naso- gastrique. Une solution radicale que j’ai longtemps redoutée mais qui a grandement apaisé notre quotidien. Sébastien se promène dans la maison avec son pied à perf, comme à l’hopital. Il reçoit la force et les calories nécessaires pour pouvoir jouer, se promener et vivre, tout simplement. On se demande juste si ce pied à perf va quitter la maison un jour…

En juillet, en donnant le bain aux enfants, je sens une boule dans la bouche de Sébastien à un endroit incongru. Bizarre. Mon cœur s’emballe. Le stress revient. Je contacte dès que possible l’hémato-pédiatre de garde qui programme une opération. Il faut ouvrir pour analyser ce que c’est. Ça sent mauvais…

Et quelques jours plus tard, le verdict tombe. Ce sont bien de mauvaises cellules…
Catastrophe ! Le monde s’arrête à nouveau, ou plutôt il s’écroule. Tout bascule. Les ponctions de moëlle osseuse et de moëlle épinière sont pourtant propres. On se raccroche à l’idée que c’est local, que les DLI font faire leur travail. Mais quelque chose s’est brisé…

Fin juillet, nous partons en vacances avec la famille élargie en Bretagne et nous profitons de chaque moment. Une virée en voilier, une dégustation de homard et de kouign amann, un croquet dans le jardin, des lancers de cailloux à marée basse, des promenades à vélo. Je fais plein de photos. Nous allons à l’hopital de Nantes tous les 5 jours pour assurer le suivi médical. Nous assistons par hasard à un spectacle pour enfants de la Compagnie après la Pluie. Les chansons sont écrites par des enfants hospitalisés en oncopédiatrie. Elles sont tout simplement magnifiques. « J’étends mes ailes, je suis le vent. La vie m’appelle, tout simplement. » On reçoit le CD et on l’écoute en boucle toutes les vacances. Les enfants l’adorent encore aujourd’hui.

Un soir, avant de s’endormir, Sébastien est allongé sur le dos, les bras croisés derrière la tête. Il me dit : « Tu sais Maman, je profite de ma vie ». Et là je n’ai rien su dire, rien su faire. Mon cœur s’est serré et je me suis dit que mon fils était incroyable. Quelle leçon de vie il me donnait à cet instant, âgé d’à peine 6 ans. Comme son âme était belle et grande ! C’est lui qui m’aidait alors que c’est lui qui était malade. Je n’oublierai jamais cet instant. Merci Sébastien.

Cette phrase a été notre leitmotiv pour les semaines suivantes. Oui, il faut profiter, encore et toujours. Ce concept de pleine conscience est très à la mode à l’heure actuelle mais pour nous, ce n’est pas seulement théorique. C’est un mode de vie, voire une question de sur-vie. Comment peut- on supporter des choses si difficiles sinon ?

Le dernier combat

Fin août 2016, nous retournons à l’hopital pour les ponctions de check-up. Au moment de recevoir les résultats – ce qui se fait habituellement debout dans la chambre, la médecin nous demande de les rejoindre elle et sa collègue dans leur bureau. Elles sont deux cette fois-ci. Ce n’est pas bon signe. Mon mari me prend la main. On tremble tous les deux.
Et là, on parle de blastes présents dans la moëlle et dans le liquide céphalo-rachidien. C’est la dernière barrière qui protège le cerveau. Les médicaments n’ont pas d’effet là-bas. Sébastien est condamné. On ne sait pas combien de temps il lui reste. Quelques semaines ? Quelques mois ? Diego demande s’il ne reste pas quelque chose à faire. Un dernier médicament, une nouvelle technique ? La médecin lui répond qu’on a tout fait, qu’on n’a rien à se reprocher en tant que parents. On a vraiment tout tenté. On a même déjà réussi à offrir plusieurs mois à Sébastien en choisissant la chimiothérapie la dernière fois. Il a pu voir grandir sa petite sœur, jouer encore plus avec Arthur. Il n’ y a plus rien à faire à présent, à part s’assurer qu’il ne souffre pas.

On entre alors dans ce qu’on appelle les soins palliatifs. On ne doit plus aller à l’hopital ; le suivi est assuré par l’équipe d’Interface qui vient à domicile. Les infirmiers se relayent chaque semaine pour accompagner la famille tant sur le plan médical que psychologique. Un magnifique métier encore une fois.

Au début, rien ne change à part que les mesures d’hygiènes sont levées. Sébastien peut à nouveau manger du filet américain et des sushis, il peut côtoyer d’autres enfants. Nous décidons de lui dire la vérité, de lui annoncer que les méchants globules blancs se cachaient et qu’ils ont gagné. Sébastien l’aurait compris tôt ou tard et nous sommes incapables de lui mentir ou de prétendre que tout va bien.

C’est donc avec les conseils d’une amie psy incroyable (elle se reconnaîtra;-)) que nous avons annoncé ce qu’aucun parent ne devrait avoir à dire à son enfant. Le pire, c’est que je ne peux même pas rassurer Sébastien en lui disant que j’ai vécu la même chose et que ça va aller. Je le vois pleurer, crier, et je ne peux rien faire à part le serrer dans mes bras et pleurer moi aussi. Arthur et Émeline sont présents également et réagissent chacun à leur manière étant donné leur âge.

Nous décidons de passer les prochaines semaines à réaliser les rêves de Sébastien. Un magnifique élan de soutien et d’amitié se met en place et nous en remercions tous les acteurs. Un vol en avion, une rencontre avec Thibaut Courtois et avec les Red Lions, un séjour à Disneyland, une visite de la Brigade Anti-Agression de la police organisée par l’asbl Make a Wish, une journée à Pairi Daiza, à Wallibi, un vol en hélicoptère, et j’en passe. Un rythme certes soutenu pendant trois semaines mais qui nous permet tous les 5 de vivre du mieux possible, en profitant des petits moments de joies qui nous sont offerts.

Ensuite, l’état de Sébastien se dégrade progressivement. Il rend son dernier souffle le 13 octobre 2016 vers 18h, entouré de ses parents comme à sa naissance. Un beau retour aux sources pour un dernier au-revoir.

Il est depuis dans nos cœurs. Nous poursuivons son combat par cette asbl dans l’espoir qu’un jour, on puisse guérir les enfants atteints de cette maladie.